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    Un soir brouillard, aux tréfonds, m'en reste souvenance,
    Dehors en gouttes embrouillées, tombaient des couteaux souillés de sang,
    Au sol sous le choc, les pavés explosaient en résonance,
    Novembre cinquante neuf blafard, dégueulant son spleen en arrière-plan,
    Ruisselant jusqu'à l'égout de mon obscure naissance.

    Une mise bas, sans liesse, d'une femme amputée de la tendresse
    Qui ne souhaitait pas, y en avait déjà trois, de mes pitoyables abats
    Pendu par les pieds, déjà condamné, une bonne raclée sur les fesses
    Primale détresse criée, initiale pensée, bouillie d'idées Blédina
    Prémices de conscience d'une vie d'enfant-mendiant de caresses

    Mon géniteur désabusé,
    Sur sa descendance penché,
    A alcooliquement éructé,
    Son jugement prématuré,
    Trop noir il m'a expertisé,
    Seulement un peu cyanosé...
    Papa valise s'est barré,
    La bouteille l'a aliéné,
    Plus jamais on s'est croisé
    Soixante et onze l'a vu trépasser.

    Marmot sans père, sans phare, sans Dieu, sans loi, hors de moi
    Sans passion, sans fiel, sans grandes joies, sans grandes peines
    Sans confort, sans effort, sans argent, sans soucis, sans surmoi
    Juste élevé au sein flasque et indifférent d'une mère incertaine.
    De câlins maternels, de « je t'aime », j'ai fantasmé tant de fois

    D'absentéisme je t'accuse, t'as pas d'mots d'excuses
    Dix ans j'ai enduré le dressage de soeur tortures
    Sortie de bain rouge sang, gratté immaculé, soeur méduse
    Affublé de bermudas velours élimés, tons vomissures
    Pull-over gratte-cou issu de la charité, pauvreté incluse.

    Ma génitrice a abusée,
    A sa descendance frustrée,
    D'amour n'a pas donné.
    Par peur d'argent manqué,
    Pour du blé a tout sacrifié,
    Et a définitivement oublié
    Qu'des enfants, faut les aimer.
    Y a que des rejetons abandonnés,
    Des traqueurs d'amour aliénés
    Une famille psycho-défoncée.

    Vint l'ère de l'exubérance, ce temps maudit de l'adolescence,
    Treize ans, quarante kilos de trop, diplôme de gnomitude en poche
    La puberté débridée, dans mon slip, dilatait sa protubérance.
    Draguer, l'obsession inavouable, pas facile de plaire si t'es moche
    Lors j'appâte, épate et flatte motorisé, et de sexe fait bombance.

    Illusion d'être un homme, un vrai, je roule des mécaniques,
    Adhérent au parti des voyous, le boss a remplacé mon père,
    J'honorais les lois de ma bande de boutonneux acnéiques
    La délinquance pour unique horizon a forgé mon caractère
    Avoir pour toute bannière « les bourgeois on les nique »

    Mes relations amoureuses abusées
    De n'être d'accord qu'à moitié
    En caves de cité, j'ai « baisé »
    Filles faciles et dévergondées.
    Pour un instant entre paumés,
    Leurs corps m'ont abandonnés.
    Leurs visages très vites oubliés.
    Vous mes conquêtes mal aimées
    Je vous demande de me pardonner
    D'avoir ainsi souillé votre virginité.

    La majorité m'a démoli par accident à juste dix neuf ans,
    Prénom : Mythomanie. Nom : Seine Saint Denis – le «neuf-trois»
    Âge : femme. Taille : quinze centimètres de trop et pourtant
    C'est elle qui m'apprendra l'amour, l'appartement, le désarroi,
    La déchirure quand, pour ma nation, j'étais bouffon du contingent

    Elle m'a laissé un mauvais goût dans la bouche, l'acidité de l'existence,
    Trois mois de mytho bonheur, huit mois de silence, ça fait un enfant
    En un instant je deviens père, d'un coup de fil, Arnaudnaissance
    Retrouvaille-ment, elle repart, silence, Delphinaissance, noir-néant
    Enfants inconnus, gamins sans père, adultes à présent, destin vengeance

    De ma naïve fragilité tu as abusé
    D'avoir sans mon accord maternisé
    Tu m'as assurément mythomanipulé
    Pierre tombale sur mes jeunes années
    En épitaphe «Ci-Gi sèle qui m'as tué»
    Depuis toi, par le mensonge obsédé
    J'ai toujours douté de toutes les vérités
    Nos deux enfants me sont étrangers
    Comme moi en carence de paternité
    Comme moi une mère déglinguée

    La vingtaine perturbée, je change de spécialité « accidentellement »
    Je dessinais comme on rêve, d'industrielles machines sur du papier
    J'éduquerais comme on aime, d'incurables enfants sur des lits blancs
    Bon Dieu, j'en ai aimé des gamins cancérisés, petits corps irradiés
    J'en ai vu partir, étoiles agonisantes, dans l'au-delà du firmament

    L'esprit envahi de ces spectres juvéniles, je tente d'exorciser le passé
    Mais les succubes sont plus forts, sur l'amour adultérin mon coeur s'égare
    Je passe avec brio l'examen d'amant, «mention très bien» s'est-elle pâmée
    D'un bel et grand hispanisant j'avais ravi la belle, son lit devint mon alcazar
    Mais un matin de printemps, une femme en blanc est venue s'interposer

    Par un pari ça a débuté, j'ai abusé,
    D'avoir fait le malin, j'ai gagné.
    Six mois durant, c'était le pied,
    Deux femmes, en choeur j'ai aimé.
    L'une était chaude mais mariée
    L'autre libre sans être libérée.
    La première en automne m'a quitté,
    L'autre j'ai finis par l'épouser.
    Pour deux balles, que j'ai misé,
    Avec les femmes, faut pas jouer.

    Aspiration d'une ère longtemps escomptée, quiétude, amour et sagesse,
    Déçu, le film s'appelait «métamorphose, tempêtes, disputes et passions»
    Surgit le temps des injonctions, les « je veux et j'exige » tout en finesse
    Sa subtilité comme arme, j'ai capitulé, accepté pour éviter la séparation
    L'amour s'effritait dans l'ombre, lutte de pouvoir, chacun sa forteresse

    Sous nos apparats de couple assorti, nous naviguions aux vents mauvais
    Mes duperies, espaces de libertés contrant une volonté perfectionniste
    Mon impulsivité, prière maladroite de reconnaissance de mon être vrai
    Sa finesse despotique, masque pour personnalité pauvre et matérialiste
    L'amour fut borgne, la passion dévorante, je l'ai aimé fort, je le jurerai

    On s'est battu pour exister
    On s'est battu pour s'aimer
    Quelquefois on s'est rencontré
    Quelquefois on a tout partagé
    Tant de fois on était trop collé
    Tant de fois on s'est disputé
    Toujours des tumultes passionnés
    Toujours réconcilié sur l'oreiller
    Jamais on a réussi à dialoguer
    Jamais on a su simplement s'aimer.

    Quatre ans durant, tour à tour, de l'autre, nous jouions le dictateur
    Elle, caprice de posséder un enfant, moi, inquiétude de mon passé
    Un nid, avons bâtit, pour elle je fus maçon, charpentier et décorateur
    Les plâtres encore humides pour accueillir le divin désiré nouveau né
    Troisième enfant d'un père vivant enfin sa première grossesse bonheur
    Enfant conçu dans une maison hantée, pour amour chimérique, destinée

    Sensation bizarre, paternité obsédante, mélange frayeurs et exaltations
    Ma vie me talonnait tel un cheval au galop, tout derrière et rien devant
    Son minuscule sourire angélique et mystérieux me comblait d'émotions
    Magique elle était, Morgane de toi, un papa gaga, un amour émouvant
    Vint Camille et Elsa ensuite, deux enfants d'un amour déjà en perdition

    Trois enfants d'un amour éthéré
    Morgane la fée nous a enchantée
    Camille l'émotif clown motorisé
    Elsa des yeux étonnés de poupée
    La famille dont j'avais jadis rêvé
    Bonheur papa naguère abandonné
    Pseudo-idée de l'existence réalisée
    Que le néant du NOUS a précipité
    L'air sentait le chaud ce jour d'été
    Où je lui ai annoncé : on va divorcé

    Une sauvageonne hallucinée m'a tendue ses lèvres, ouvert ma conscience
    Enfoncée le pieu sanguinolent de la terrible vision d'un couple agonisant
    Réveiller une conscience anesthésiée, attention danger, cruelle expérience
    Déclaration de guerre, mobilisation des troupes, divorce conflit nécrosant
    Les barrières tombent, les frustrations s'expriment, remords de l'alliance

    Comptabilité vénale, vengeance spéculative, perte de ma dernière identité
    D'un coup de glaive empoisonné, je perds mon sens, je me déséquilibre
    Je doute de moi, plus rien qu'une dépouille chutant au néant des ipséités
    En moi sont mort l'époux, l'amant, le père, l'être social, reste un fou libre
    S'enfoncer plus profond jusqu'aux frontières de l'enfer et s'y précipiter

    Hiver deux mille quatre : déprimé
    Toutes les larmes de l'âme versées
    De ne plus l'aimer, j'ai même douté
    Coupable du carnage, me suis accusé
    Pensé : la mort comme douce liberté
    Devenir vraiment fou m'était familier
    Des nuits entières, cauchemar éveillé
    Regarder vide les secondes s'égrener
    Une semaine sur deux, papa à moitié
    Vie schizophrénique d'un père divisé

    Les mois suintaient, morve à l'oeil torve, sur les murs livides de l'existence
    J'essuyais cette boue, faisait propre quand les enfants égayaient mon logis
    Mon crâne travaillait à faire place nette, entrée en thérapie d'Effy-science
    Monastère de l'inconscience, la maladie est le mal-à-dire, belle psychologie
    Logorrhée verbale apaisante, analyse avertie des actes, enfin la renaissance

    Concomitamment (!), mon être se réparait, laissant parfois paraître une faille
    Humain fragile je suis et resterais, vacillant sur le pont du navire dans la houle
    Avec le mal de mère, le père à la mer, vomissant mon enfance au chimbail
    Eructant mon mal-être en tumulte de mots, démo des maux, j'en ai un sadoul
    Parenthèse temporelle, vision d'une révélation, TOI, au fond de mon poitrail.

    Et.......

    Mais «TOI SISSI» est une histoire heureuse, je n'oserais la ternir
    Dans ce récit si sombre, alors d'un autre récit consacré à l'avenir
    Elle sera mon héroïne, permettez moi sur la pointe de pas de partir
    Vers mes pensées, à TOI je vais rêver, et dans tes bras me blottir.

     

     


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