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    Putain de mots, putain de pièges.

    Prison des mots qu'on dit.

    Comme des couteaux qu'on lance, une fois partis, ils vont à leur cible.

    Prison des mots que l'on n'entend pas, des cris muets, silencieux.

    Pas dit, pas pris.

    Ici dans le creux de mon crâne, il y a un vide, un putain de vide.

    Comme une bouteille quand elle est finie, boire les mots jusqu'à s'enivrer, jusqu'à la dernière goutte.

    Pour le goût que ça fait dans la bouche, le mot est sucré, salé, amer, acide, mais il a un goût.

    Pour le bonheur du tympan qui vibre jusque dans le bide, au milieu du cœur, cette vibration qui résonne en écho.

    Pour le bonheur de la musique du mot, comme une chanson éternelle, un air qui te remue la carcasse, qui te fait danser à l'intérieur, à l'extérieur.

    Bouge carcasse sur la musique des mots.

    Pour le toucher des mots qui sont palpables, opaques, trans-lucides, des mots que tu prends dans la main, que tu caresses, tu les fais passer d'un doigt à l'autre, comme un anneau d'or, comme une alliance.

    Pour la vue des mots, voir tes lèvres bouger, les lire comme on lit du Baudelaire, du Borhinger.

    Voir les mots, leurs couleurs, leurs formes, formes de cœoeur, bulles de savon multicolores, arc en ciel après la pluie.

    Oui putain les mots ont du sens, les cinq et bien d'autres.

    Le sens de la direction de la vie.

    Putain de vie qui s'arrête quand le silence vient.

    La mort est un immense océan muet, vide de mots, silence de mort.

    Le mot c'est la vie.

    L'onde de choc, l'onde vibratoire qui te dis : « tu es ».

    Je pense donc je suis, mon cul.

    J'entends, donc je suis.

    Sinon les sourds ne parleraient pas avec les mains.

    Le monde est un immense brouhaha de verbes.

    Les mots font naître, les mots font crever.

    Exister c'est « être dans l'Ex » : l'autre.

    Putain de prison intérieure, du cerveau aux barreaux de la bouche, dès qu'un gosse dit son premier mot : « maman », il est piégé dans un acte d'amour à l'autre.

    Etre soi, oui, parmi d'autres.

    Putain d'autres qui ont eux aussi un cerveau, différent.

    Tout le problème de l'humanité, comprendre l'autre, accepter la différence, mais pas l'indifférence.

    Dire oui ou non, mais... dire, pas médire.

    Mal dire n'est pas une maladie, mais la maladie est le mal à dire.

    Mais putain, je sais que ça fait mal de dire, je l'ai su dès mes premiers mots.

    Fallait que je taise le mot « papa », tabou, crime.

    Putain je le sais que c'est douloureux de parler, c'est se mettre à nu, donner à admirer son corps, le corps astral, le cortex cérébral, le corps cœoeur.

    Streap-tease de l'aveu, je t'aime, un peu, beaucoup...

    S'effeuiller comme une marguerite, ôter ses pétales, s'arracher l'esprit.

    Oui, sans pétale, dans son simple appareil, ne devenir que le coeœur de la marguerite, ne plus avoir d'artifice.

    Etre dans sa vérité, sans orgueil, sans défense, mais vrai, humain, faillible, faible, faisant confiance dans l'autre, pour qu'il protège et vénère cette nudité avec respect.

    Quand je serais mort, bouffé par les vers, en putréfaction, je m'en foutrais complètement de tes « je t'aime », « je t'aimais », « je n'ai pas su te le dire ».

    Ça me fera une belle jambe.

    Je veux me bouffer le cerveau, mes détruire les tympans, chier ma langue, la maternelle et la paternelle.

    Je veux exister sans insister pour m'exciter.

    Ta main dans la mienne n'est en fait qu'une excitation de moindre sens, vu, toucher tout au plus.

    Je veux que tu excites tous mes sens, même les interdits, tes interdits, mais pas tes inter-dits.

    Je ne veux pas lire des pages blanches, décrypter le vide.

    Ce n'est pas te faire changer, mais te faire évoluer, vers les mots pour ne plus qu'ils soient des maux.

    Si dire « je te désire » est un crime, alors que je sois condamné à l'instant.

    Si dire « je t'aime » est un tabou, alors les mots sont des tas de boues, ils devraient être « un état debout », car si l'humain peu parler c'est par ce qu'il a conquit la bipédie.

    Cet « état debout » est un « Est à deux bouts » : le bien et le mal, le noir et le blanc.

    Je te respecte et te respecterais toujours, quoi que tu dises.

    C'est encore cette prison des mots qui pourri, ça pu l'égout dans cette prison.

    Les goûts des mots qu'on ne dit pas.

    Moi je te le dis « je t'aime », « je te désire », « tu me donne des bonheurs » (des bonnes heures), « tu es belle », « tu me fais chavirer le cœoeur ».

     


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