• Heaven can't wait

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    La structure nervurée du caoutchouc balayait la pluie majestueusement,

    Les pneus de bonnes factures, au bitume, s’agrippaient nerveusement,

    Des gerbes d’eau sur la tôle étincelaient aux vifs reflets des lampadaires

    La berline planait tel un démon d’acier déployant ses ailes meurtrières,

     

    Noire dans une nuit sans lune l’automobile fonçait sur cette petite route grise

    Ses phares embrasaient des flèches argentées qui s’écrasaient sur le pare-brise,

    Les essuie-glaces se fatiguaient à chasser le déluge, bientôt ils rendraient l’âme,

    Au volant il distinguait à peine, les yeux baignés de larmes, le ruban de macadam.

     

    L’homme roulait déjà depuis des heures, errant sans but, au gré de sa douleur,

    Il avait tourné la clé dans le contact comme d’autres avalent un antidépresseur,

    Bien des kilomètres s’afficheraient au compteur avant que la thérapie n’opère

    La voix de Meat Loaf exaltait «heaven can wait» dans les enceintes du Pioneer.

     

    Les arbres qui défilaient sur les bas côtés évoquaient le visage de cette femme,

    La ramure bercée par le vent coiffait de brun sur le ciel sombre cet hologramme

    Les projecteurs esquissaient aux troncs des platanes un relief de triste sourire

    Cette bouche qui lui disait «je t’aime» tendrement et qui finit par tout détruire.

     

    Quelques mots suffirent pour briser un grand amour, pourtant il se souvenait…

    Ces coins de natures féériques admirés ensemble quand ils se promenaient,

    Ces chansons écoutées avec émotions, leurs cœurs, l’un contre l’autre serrés,

    Ces caresses échangées, ces soirs d’été, tout ce bonheur maintenant enterré.

     

    Grégorian demandait «un moment de paix», la pluie redoublait, lui, il pleurait,

    Il cherchait l’oubli, voulait enfouir les souvenirs qui en son cœur demeuraient,

    Il fuyait le présent douloureux pour qu’il se métamorphose en passé sublimé,

    Ainsi, pensait-il les blessures de l’amour ne seraient que cicatrices refermées.

     

    Sans le vouloir, inconsciemment, il avait enfoncé son pied sur l’accélérateur,

    L’orage avait remplacé l’averse, les éclairs zébraient le ciel de blanches lueurs,

    Par moments les arbres semblaient tendre vers lui leurs bras fantomatiques,

    Il abordait cette montagne qu’il aimait pour son attraction quasi magnétique

     

    Dans ses chemins il avait découvert l’immense diversité des couleurs du paysage

    La musique douce des ruisseaux, dans les cascades il écoutait la  voix des sages.

    Aussi, main dans la main, ils avaient marché, sur les rochers ils s’étaient allongés,

    Aux torrents ils s’étaient désaltérés, au soir venu à leur avenir ils avaient songé

     

    Un éclair vint briser le ciel, la grosse branche cassa net et chuta sur la chaussée,

    Dans le trouble de ses pensées, les larmes ruisselaient jusqu’en son cœur cabossé

    Il vit trop tard l’obstacle, fit une embardée à gauche pour l’éviter, revint à droite,

    L’auto glissa sans bruit, personne l’entendit crier son nom sur cette route étroite.

     

    Il était, selon le gendarme, trois heures-deux minutes quand il franchi le parapet

    Ne restait plus que des traces de frein sur le gravier, d’un linceul on le drapait

    Le bolide écrasé au fond du ravin, il fallut du temps pour le désincarcérer,

    Il tenait encore sa photo éclaboussée de larmes et de sang sur son cœur serré.

     

     

     

     

     

     

     
     
     

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